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La chèvre et le chouchou


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Chronique de Dominique Jamet...

Huit jours après le surgissement de l’affaire Benalla dans le ciel inaltérable et néanmoins caniculaire de notre République, il semble possible de faire le point, sous réserve d’éventuels rebondissements, sur le scandale qui entache singulièrement l’image d’exemplarité et l’exigence de moralité qui devaient caractériser le « nouveau monde » où nous avaient fait aborder Christophe Macron et son équipage de marcheurs d’eau douce.

Dans l’état actuel de nos connaissances, que savons-nous d’une affaire qui, si choquante qu’elle puisse être, ne semble comporter aucun détournement de fonds publics, et n’a pas entraîné mort d’homme ?

Que le 1er mai dernier, illustré par les démonstrations de force et de violence des « black blocs », M. Alexandre Benalla, obscur chargé de mission à l’Elysée, affecté à la protection et aux déplacements du président de la République, mais surtout chouchou du chef de l’Etat, titre qui n’apparaît dans aucun organigramme officiel mais confère à son heureux bénéficiaire un statut et un pouvoir bien supérieurs à son rang protocolaire, a largement outrepassé sa mission d’observateur. Déguisé en policier et en usurpant les fonctions, M. Benalla, grand amateur et pratiquant d’arts martiaux, s’en est pris violemment à deux passants qui se sont avérés par la suite des manifestants mais ne représentaient pas la moindre menace pour le peloton de CRS qui est demeuré spectateur passif de ces brutalités venues d’en haut.

La grave faute professionnelle commise par M. Benalla était portée à la connaissance de son supérieur immédiat, le préfet Strzoda, dès le 2 mai. Le ministre de l’Intérieur et le secrétaire général de l’Elysée en étaient informés le même jour et le président de la République, de passage en Australie, dès le lendemain. En conséquence de quoi la sanction tombait, terrible, impitoyable, inhumaine, « sans précédent » : M. Benalla était « suspendu » pour une durée de quinze jours. Une peine on ne peut plus symbolique que sa victime mettait à profit pour s’offrir un séjour en Bretagne mais qui n’entamait nullement son crédit puisque dès le 9 juillet le favori était installé dans un appartement de fonction quai Branly et continuait d’assurer auprès du prince les services et les travaux que celui-ci avait bien voulu lui confier. La volonté du président, communiquée à tous les intéressés au cœur de l’appareil de l’Etat, était très clairement d’étouffer dans l’œuf toute suite et toute exploitation d’une affaire qui ne faisait pas la sienne.

La vidéo filmée le 1er mai sur la place de la Contrescarpe circulait sur les réseaux sociaux, abondamment consultée et commentée. Nul pourtant, après deux mois et demi, ne semblait avoir identifié l’homme casqué – apparemment un policier - qui se défoulait sur la place de la Contrescarpe. Mais le 18 juillet le quotidien Le Monde révélait, avec son nom et ses fonctions, le vilain rôle joué par M. Benalla et l’affaire explosait comme on sait.

Les gouvernements et les médias ayant l’habitude de prendre les gens pour des…imbéciles, le journal ne s’attardait pas sur les conditions dans lesquelles il avait recueilli ses informations. Il paraît évident que celles-ci ne relevaient en aucune manière du journalisme d’investigation mais que d’honorables membres des forces de l’ordre, selon toute probabilité d’un niveau élevé, avaient mené l’enquête (qui n’était pas la plus difficile de leur carrière) et souhaité que les conclusions en fussent publiées.

Pourquoi des policiers (ou des gendarmes) en voulaient-ils à M. Benalla ? Parce que celui-ci, qui n’avait d’autre légitimité que d’être la voix de son maître, se conduisait comme un insupportable cheffaillon et que nombreux dans les rangs des forces de l’ordre étaient ceux qu’il avait grossièrement intimidés, insultés, humiliés, et plus nombreux encore ceux qui n’admettaient pas les privautés que se permettait, les privilèges dont jouissait et les prérogatives que s’arrogeait un jeune homme dont ni l’expérience ni les diplômes ni les compétences ne justifiaient le traitement de faveur dont il bénéficiait. Parce que M. Benalla était le coordinateur et se présentait comme le responsable d’un projet de réorganisation des services de sécurité de la présidence qui ouvrait largement ceux-ci à des non-professionnels de la police recrutés à la fantaisie du souverain et de son féal. Parce qu’enfin les agissements de M. Benalla donnaient de la police la plus détestable image.

Pourquoi l’affaire, partie d’une simple étincelle, a-t-elle pris en quelques jours la violence d’un feu de forêt hors de contrôle ? Parce que l’opposition, toutes les oppositions, unies en la circonstance, ont fait flèche et feu de tout bois, allant jusqu’à paralyser le fonctionnement des institutions et donnant à l’affaire, avec le soutien des médias, ulcérés eux aussi d’être ostensiblement snobés, brocardés et méprisés par le chef de l’Etat, une importance démesurée.

M. Macron en l’occurrence, n’en a pas moins commis une fâcheuse erreur de jugement et d’appréciation sur la personne et les capacités de M. Benalla. Personne n’est infaillible, n’est-ce pas ? Mais il a également, pour ne pas se démentir,et ceci est plus grave, organisé et couvert un mensonge d’Etat dans le traitement du scandale. Il a contraint tout ce qui était au-dessous de lui, ministres, préfets, hauts-fonctionnaires, à se faire ses complices par le silence ou la parole. Lorsqu’il s’est exprimé, ce n’était pas pour reconnaître ses erreurs, ce n’était pas pour annoncer des sanctions ( et tant qu’à faire, il est plutôt honorable de ne pas recourir à la vieille recette d’élimination des fusibles) mais pour se dire « fier », ménageant la chèvre et le chouchou, à se dire « fier » d’avoir embauché un homme à qui il reprochait pourtant de l’avoir déçu et « trahi ». Gageons que M. Benalla n’a pas trop de soucis à se faire pour son avenir. Et précisément, ce point est typique d’un état d’esprit et d’un mode de fonctionnement présidentiels dont Jupiter junior, enivré de sa victoire et de sa puissance, n’a que trop tendance à multiplier les exemples. L’affaire Benalla a révélé la troublante et inquiétante fascination d’un homme qui se croit au-dessus des lois pour un homme qui ne respecte pas les règles.

Terminons pourtant sur une note d’optimisme. Trois enseignements positifs peuvent être tirés de l’épisode affligeant que nous venons de vivre. Le premier est qu’il est de plus en plus difficile, pour ne pas dire impossible, d’empêcher la capture puis la diffusion sur les réseaux sociaux d’images gênantes pour les puissants. Le second est que députés et sénateurs, à l’occasion de l’affaire Benalla, se sont soudainement avisés qu’ils disposaient de moyens de contrôle de l’exécutif dont ils avaient perdu l’habitude ou le courage de se servir. Le troisième est que les médias, quand ils font leur métier, constituent eux aussi un véritable contre-pouvoir.

Quant à M. Macron, qui est un homme intelligent, peut-on se permettre d’espérer qu’il aura compris que dans un système démocratique la toute-puissance a des limites et que le bon plaisir du monarque a disparu avec la monarchie ? On peut toujours rêver.


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