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JACQUERIE(S)


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Chronique de Dominique Jamet...

Quand ce n’était plus supportable, quand trop c’était vraiment trop, trop de privations, trop d’inégalités, trop de colère, et que trop peu, c’était décidément trop peu, trop peu de pain, trop peu d’espérance, trop peu d’humanité, quand il n’en pouvait plus d’attendre que le Ciel lui accorde là-haut le bonheur qui lui était refusé ici-bas, alors Jacques Bonhomme cessait de courber le dos, il redressait sa faux, il empoignait sa fourche, il brandissait son bâton et il marchait sur le château tout proche dont l’ombre maléfique s’étendait sur ses champs, puis sur la ville voisine dont l’opulence insultait sa misère.

Les jacqueries sont consubstantielles à l’histoire de la France comme à celle de tous les pays d’Europe. Chez nous comme ailleurs, leur apparition, leur déroulement et leur issue, des siècles durant, découlèrent des mêmes causes, connurent un déroulement analogue et débouchèrent immanquablement sur une issue semblable : après que dans une phase initiale les rebelles s’étaient défoulés en malmenant, voire en trucidant, ceux qu’ils rendaient responsables de leur misère, collecteurs d’impôts, usuriers, beaux messieurs et gentes dames, après qu’ils avaient remporté de faciles et précaires victoires qui semaient l’épouvante, ils récoltaient une répression sans faiblesse, sans mesure et sans pitié, la coalition des seigneurs ou les armées royales noyaient la révolte dans le sang des mutins et les têtes de leurs meneurs faisaient un ornement compris de tous aux portes des villes.

Ces soulèvements de la misère, ces insurrections du désespoir nous paraissaient appartenir à des temps à jamais révolu(tionnaire)s. Ne sommes-nous pas en République ? Le peuple n’est-il pas souverain ? Ses représentants ne contrôlent-ils pas le gouvernement ? Ne sont-ils pas à même de prévenir et de sanctionner les éventuels abus de pouvoir des riches, des puissants et du monarque ? La taille, la corvée, la gabelle, la dîme, le cens, les droits féodaux, tous ces odieux oripeaux d’un système balayé par la grande Révolution française n’ont-ils pas disparu pour faire place à un système de contributions locales, départementales, régionales, nationales, européennes entièrement orienté vers le bien public, la justice sociale, le développement harmonieux d’un ordre juste ?

Quelle incongruité, en notre siècle d’or, que cette émergence soudaine d’un mouvement que ses origines, ses formes et son caractère apparentent si visiblement aux anciennes jacqueries ? Que vient faire cet anachronisme à l’ère de la technocratie triomphante, du numérique omniprésent et de l’allégresse algorithmique ?

Ce qu’il vient faire ? Ce qu’il vient dire ? Ce qu’il vient rappeler ? Que sous des apparences nouvelles, que derrière le paravent de formules toutes faites, rien, -ou si peu de choses- n’a changé dans l’organisation de la société. Que des millions de nos compatriotes, en cette année 2018, vivent dans des conditions indignes, sans emploi, sans ressources, sans logement. Que des millions d’autres travaillent dur pour toucher des salaires indécents qui leur permettent tout juste de subsister. Que d’autres millions encore ploient sous la charge écrasante d’impôts dont ils n’approuvent ou ne connaissent pas la justification et la finalité. Que les dernières taxes nées de la foisonnante imagination de Bercy et prélevées sur la consommation d’essence ou de tabac sont aussi exaspérantes et haïes que jadis les impôts sur le sel, les épices ou les portes et fenêtres. Qu’il aurait suffi pour les leur épargner, de rétablir l’ancien impôt sur la fortune. Que les Français n’en peuvent plus.
Que l’on ne s’y trompe pas. Ce qui s’est passé la semaine dernière n’est en effet rien d’autre que la renaissance des antiques jacqueries, où les réseaux sociaux et le téléphone portable ont pris la place du bouche à oreille et du tocsin, où les gilets jaunes ont remplacé les bonnets rouges, mais où la colère est la même, que n’endigue plus l’affirmation mensongère d’une solidarité républicaine, pas plus que, jadis, l’appel si démobilisateur de l’Église à une résignation prétendument chrétienne.

Aussi aveugles et sourds dans leurs palais « républicains » que l’aristocratie décadente du XVIIIe siècle, les puissants du jour se rassurent à bon compte en pointant du doigt le caractère inorganisé des manifestations de ce week-end. Où peut mener, disent-ils, un mouvement éparpillé, désordonné, protéiforme, un mouvement sans programme, sans discours et sans chef, qui n’est relayé ni par les partis politiques ni par les syndicats, qui n’a ni relais parlementaires ni porte-paroles médiatiques ? Ils devraient s’inquiéter au contraire d’une détestation généralisée de corps intermédiaires qui ne font plus écran et tampon entre la colère de la base et l’arrogance du sommet.

La caste, cette classe dirigeante dont l’élévation doit de moins en moins au mérite « républicain » mais de plus en plus à l’endogamie et à l’hérédité, et en premier ces bobos parisiens qui méprisent la France profonde autant qu’elle les abhorre, n’aiment rien tant que se gausser des « ploucs », des « beaufs », des « abrutis » qui prétendent avoir voix au chapitre. Ils en parlent comme jadis leurs ancêtres de « vilains », de « manants », de « croquants ». Éternelle inconscience. Marie-Antoinette ou Marie-Chantal ? Une ministresse en charge de l’égalité assure, pour justifier la généreuse augmentation de salaire de ses proches collaborateurs, qu’ « on ne peut pas vivre à moins de cinq mille euros par mois ». Son collègue, naguère encore affublé de l’étiquette « socialiste », aujourd’hui ministre de l’Intérieur, raille les Dupont-la-tristesse qui « fument des clopes et roulent au diesel ». Riez, Madame, riez, Monsieur, tant que vous le pouvez encore. Vous pourriez bientôt rire jaune. Jaune comme ces gilets auxquels vous reconnaissez la plèbe.


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