SECOND TOUR MODE D’EMPLOI
Chronique Dominique JAMET...
La loi met entre nos mains une arme décisive. Un petit bout de papier. Le bulletin de vote. Tous les cinq ans, chacun d’entre nous –vous, moi, tous les autres - est maître de choisir entre les différents candidats à l’élection présidentielle, puis aux législatives, donc de décider de l’homme et de l’équipe qui dirigeront notre pays pour les cinq années à venir et de dire quelle politique il entend lui voir mener. Librement, secrètement, souverainement.
Mais, objectent certains, quel sens, quel intérêt cela peut-il avoir ? Le droit de vote n’est qu’un leurre. Quelle influence puis-je exercer, moi qui ne suis qu’un individu perdu dans la masse ? Il est vrai qu’aucun d’entre nous ne peut à lui seul déterminer l’issue et les suites d’une consultation électorale. En revanche, c’est bel et bien le vote de chacun d’entre nous, multiplié par quarante–quatre millions, qui fait l’élection.
Il est vrai que nul n’est contraint d’user du pouvoir qui lui est conféré. Voter est un droit, et non une obligation. Ceux qui le souhaitent peuvent donc s’abstenir, possibilité, comme on sait, dont il est fait un usage de plus en plus étendu. Se désintéresser des affaires de la cité, sous tel ou tel prétexte, voire sans en donner ou même en savoir la raison, n’est pas un délit punissable par les tribunaux. Pour autant, les abstentionnistes devraient avoir la pudeur, la logique ou l’honnêteté de s’abstenir aussi de tout commentaire, de toute condamnation, de toute indignation concernant la marche et le cap du bateau qu’ils ont abandonné à son sort.
Il n’en est pas de même de ceux qui pratiquent le vote blanc entendant ainsi marquer leur rejet sinon du principe de l’élection, au moins des hommes et des programmes qui se proposent à leurs suffrages. Leurs motivations sont compréhensibles et même honorables. La faille de ce choix est qu’il équivaut à un tir à blanc puisque le refus d’opter pour quelque candidat que ce soit les défavorise tous également, et n’a donc nul effet ni positif ni négatif sur le scrutin.
C’est aux autres que je m’adresse, à tous ceux qui croient encore – et ils y ont bien du mérite – au sens, à l’intérêt, et à la nécessité du vote populaire, pilier de notre s d’une monarchie démocratie et de toute démocratie représentative, dès lorsqu’ils ne veulent pas d’une monarchie restaurée sous l’appellation trompeuse de Répblique et qu’ils ne croient ni à l’utilité, ni à la légitimité d’on ne sait quelles assemblées citoyennes non élues qui n’auraient pour rôle, en tout cas pour effet, que de capter les colères, de détourner les revendications et de court-circuiter les assemblées parlementaires.
Soyons simples : le capital propre du président confortablement réélu avec 58% des suffrages exprimés grâce à l’appel traditionnel au front républicain et aux voix de la gauche tourne autour de 25%. Les résultats du premier tour et les intentions de vote pour le second indiquent sans grand risque d’erreur que M. Macron disposera d’une majorité absolue mais étriquée et que si par hasard elle venait à lui manquer, les Républicains seraient trop heureux de lui fournir l’appoint nécessaire, quitte à se faire payer bon prix leur appui ponctuel ou leur soutien institutionnel. Il n’y a pas péril en la demeure du prince.
Si impressionnants que soient les scores réalisés par la gauche mélenchonisée dans les quartiers populaires et les quartiers gentrifiés, auprès de l’électorat communautaire conquis et des bobos ravis, le total des voix de la gauche unie ne dépasse pas celui des voix de la gauche divisée. La réalité de la dynamique nupienne donne l’illusion d’un déferlement, voire d’un raz-de-marée. Il n’en est rien. Il n’y a pas plus de risque révolutionnaire de ce côté-là que de danger fasciste émanant du Rassemblement national dont le progrès continu et spectaculaire s’explique essentiellement par la quantité croissante d’eau qu’il a mise dans son vin.
La seule question que doivent se poser les électeurs réellement non-macronistes, autrement dit plus de 65% des Français, est la suivante : Accepterons-nous de dépendre comme lors du premier quinquennat des contorsions, des foucades, des revirements, des incohérences d’un président-caméléon, comédien fou de lui-même, ivre de sa phraséologie creuse, incapable de fixer et de garder un cap, et soutenu par une majorité de godillots ? Ou souhaitons-nous que le pouvoir législatif renaisse de ses cendres, que l’Assemblée nationale qui va être élue ce 19 juin soit plus représentative du pays que lors des précédentes législatures, qu’elle redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, le lieu du débat, du contrôle de l’exécutif, le contre-pouvoir collectif qui limite les abus et les empiètements du pouvoir d’un homme ? Notre priorité est-elle de rogner au maximum, voire de renverser la majorité gouvernementale ? Si c’est le cas, il en découle que dans toutes les circonscriptions – soit les quatre-cinquièmes – où un duel oppose un partisan et un adversaire du président, celui-ci recueille un maximum de suffrages d’opposants, que les électeurs du Rassemblement national n’hésitent pas à voter pour la Nupes, et que les électeurs de la Nupes osent voter pour le Rassemblement national. Même à contre-cœur, même en se pinçant le nez, même en oubliant, le temps d’un vote, ce qui les distingue, pour faire prévaloir ce qu’ils ont en commun.
J’entends déjà la voix de ceux qui refuseront ce rassemblement des contraires, cette union contre nature. Quoi, moi de gauche, faire élire un homme de droite ? Quoi, moi de droite, faire élire un homme de gauche ? Rompre avec mes chères habitudes, mes confortables exclusions, mes principes sacrés ? Pas question.
Cette raideur mentale, cette incapacité à voter plus loin que le bout de son nez rouge ou blanc, cet attachement débile aux étiquettes, aux fractures, aux anathèmes, aux excommunications, ont déjà permis au président sortant, faible de son arrogance, de ses échecs, de ses fausses promesses, de son impopularité, d’être brillamment réélu le 24 avril. Les mêmes automatismes joueront-ils le 19 juin ? Ceux qui offriraient sur un plateau la victoire à l’homme et au parti qu’ils prétendent combattre et détester n’auront à s’en prendre qu’à eux-mêmes. « Tu l’as voulu, George Dandin ! »
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